Extrait du mémoire « STRESS et FORMATION à l’URGENCE : un pont entre instincts, émotions et raison » pour le diplôme inter universitaire de pédagogie appliquée à l’enseignement des soins d’urgence et des risques sanitaires, écrit par Isabelle Maujean (2009-2010)
On peut à ce stade se demander s’il existe une différence entre émotion et stress. Pour Christine LeScanff « L’émotion peut être considérée comme résultant d’une situation aiguë et le stress comme un état à long terme. L’émotion serait en quelque sorte la forme aiguë du stress » (LE SCANFF C, FAMOSE JP, « La Gestion du Stress, entraînement et compétition » Dossier Formation Initial-Formation Continue N°43, 1999). Se référant aussi à Lazarus , dans le cadre de la compétition sportive, elle défend que le stress a un effet négatif sur la performance, même si dans certains cas, à certaine dose, il peut être utile. En dehors du sport, la performance, pas seulement au sens général « d’actualisation de la compétence » (RAYNAL F, Pédagogie, dictionnaire des concepts clés, ESF), est le résultat, pour les socio cognitivistes, de la dynamique complexe de plusieurs éléments dont le contexte, la perception de soi, la motivation, l’engagement, et la persévérance. Le stress ne peut donc qu’influer sur l’accomplissement d’une tâche par un individu à un moment donné. Beaucoup prétendent qu’il en faut cependant un minimum pour exécuter une performance et qu’il existerait un niveau d’activation correspondant à un résultat maximum. C’est la théorie du U inversé, à l’identique d’une courbe de Gausse parfaite, pour illustrer les relations entre performance, éveil, stress, émotions. Jacques Larue (LESCANFF C, FAMOSE JP, ibid) réfute la généralisation de ces résultats pour plusieurs raisons : un niveau optimal chez un sujet peut correspondre à un niveau faible chez un autre ; tout changement dans une variable situationnelle peut provoquer des efforts d’adaptation. Par conséquent le recueil d’indices n’est pas fiable et enfin l’état d’un individu variant d’un instant à l’autre la mesure de cet état au moment d’une performance est difficilement réalisable. La valeur prédictive d’une courbe en U inversé est nulle puisqu’en plus elle ne donne pas d’explication sur les causes réelles de la variation des effets sur la performance et qu’elle ne suggère pas les mécanismes qui pourraient l’améliorer ou la détériorer.
Christine LeScanff préfère envisager une théorie multidimensionnelle de la relation stress et performance. Pour elle, le rapport est complexe mêlant des dimensions cognitives caractérisées principalement par des auto évaluations négatives, un manque ce concentration, et somatiques renvoyant plus à une activation physique du système nerveux autonome. L’interaction entre anxiété cognitive et anxiété somatique peut varier et l’influence sur la performance est différente, voire opposée : si l’activation biologique générée par une anxiété somatique modérée facilite la performance, à l’inverse elle décroît dès que l’anxiété cognitive est présente. Les chercheurs ont également mis en évidence une relation négative entre confiance en soi et performance.
En résumé, les athlètes seront d’autant plus performants s’ils sont moins anxieux et s’ils ont plus confiance en eux. L’activation physiologique est nécessaire mais le degré minimum pour atteindre la performance est strictement personnelle et situationnelle. Et surtout elle peut influencer indirectement la disponibilité des capacités en fonction de l’interprétation positive ou négative des symptômes perçus. Voire à partir d’un certain niveau on obtient un résultat « catastrophe » (LESCANFF C, FAMOSE JP,ibid, p13).
Il en découle les implications suivantes : le contrôle de l’activation physiologique et la confiance en soi sont vraisemblablement indispensables si on veut augmenter son niveau de performance. Ce contrôle doit s’opérer de façon automatique et non pas consciente car cela au contraire accentuerait la difficulté et la régression dans les phases d’apprentissage.
Pour gérer le stress que ce soit en sport de haut niveau ou dans des situations extrêmes dépassant le potentiel d’adaptation, il s’agit donc de favoriser une approche multidimensionnelle et de mettre en place des stratégies actives.
En premier, LeScanff retient la maîtrise de l’environnement en renforçant l’impression de contrôle, en fournissant une information rationnelle et des compréhensions prédictives sur des situations ou des événements futurs. On en revient à l’importance de réfléchir à « comment on s’y prend pour résoudre le problème ou comment on s’y est pris » (LAUTTREY J « Esquisse d’un modèle pluraliste », Cité des Sciences, 10ème entretien de La Villette, 1999), à l’identique de la pédagogie au sein des AFGSU.
En second il est important de s’entraîner dans des conditions opérationnelles similaires à celles rencontrées dans un environnement réel afin de favoriser la répétition mentale et la maîtrise des habiletés et de générer un sentiment « d’expérience » réductrice de stress, ce que nous travaillons aussi en formation par le biais des mises en situations à complexité variable.
Le troisième axe stratégique non négligeable consiste à développer des comportements favorisant les relations au sein d’un groupe et la gestion des ressources individuelles et des relations interpersonnelles, le soutien social étant protecteur face au stress et la performance d’une équipe liée à un coatching constructif réducteur de tensions : on appréciera d’autant chez un formateur ses qualités d’animateur et ses compétences en dynamique de groupe.
Cependant l’évaluation cognitive et le contrôle perçu restant malgré tout deux phénomènes très subjectifs, dans les situations où les stresseurs ne peuvent pas être éliminés, en quatrième lieu sont fortement recommandées pour les athlètes ou les professionnels travaillant en situations extrêmes (vols spatiaux, transport aérien), des stratégies centrées sur la régulation émotionnelle telles que les techniques psychophysiologiques et mentales centrées sur le « self help » ou la réaction au stress.